Shantaram Tumbada est né en 1975 dans le Thane District à 150 km au nord de Mumbai. J’ai rencontré pour la première fois Shantaram Tumbada en 1997 à l’Alliance française de Mumbai où il me fut présenté par Vishwas Kulkarni, neveu de Bhaskar Kulkarni lui-même peintre et anthropologue, et l’un des premiers grands spécialistes de l’art de la tribu warli. L’oncle avait enseigné le dialecte warli à son neveu, ce qui en faisait un guide particulièrement intéressant. Je découvris à Mumbai un poster sur lequel on pouvait voir un immense mur peint par un artiste warli jusque là inconnu. À la lecture de la légende, j’appris avec stupéfaction que cette peinture murale avait été réalisée en 1995 dans ma ville natale, Lyon ! Il m’avait fallu aller au bout du monde pour le savoir. Ce mur avait été réalisé dans le cadre du musée urbain Tony Garnier : cinq murs peints, cinq continents. Pour l’Inde, les organisateurs avaient choisi un artiste de la tribu warli, un jeune artiste quasi inconnu, Shantaram Chintya Tumbada.
Entre 1996 à 1999, nous allions nous revoir de nombreuses fois, tant dans sa tribu que chez moi, à Pondichéry, où j’organisais workshops et expositions. Shantaram a un style personnel caractérisé par sa grande simplicité et sa précision graphique. Ses dessins rivalisent d’élégance et d’efficacité. En 1995, Shantaram réalise plusieurs séries de dessins adaptant les mythes de la Création à l’époque moderne.
Cette association de rigueur et de charme propre au style de Shantaram me ravissait. Comment peut-on arriver spontanément à cette maturité graphique, comparable aux logotypes des meilleurs designers ? Je sollicitai son habileté en lui demandant de me faire plusieurs séries de dessins comportant un seul personnage qui occuperait pleinement l’espace. Captivé par le raffinement de ses dessins avant qu’il ne les remplisse de blanc, je lui demandai s’il voulait bien en réaliser quelques uns en s’arrêtant au stade d’esquisse. Ces ébauches révèlent la qualité de son trait, son assurance et sa sensibilité, son aisance et sa souplesse. Shantaram Tumbada ainsi que quelques rares autres artistes de sa communauté, montrent com- ment, à partir d’une iconographie commune des plus basiques et d’une palette réduite à deux couleurs, il est possible de pratiquer un art hors pair en renouvelant sans cesse l’interprétation de l’art ancestral. Ce sont des artistes dont le talent ne demande qu’à s’épanouir pour peu que l’on leur fasse confiance. Ils sont malheureusement encore trop sollicités par un marché de handi- crafts dont le seul but est de satisfaire une clientèle avide de souvenirs exotiques, de peintures réalisées à la hâte pour un prix modique.